Festival Gnaoua Essaouira : la culture au cœur des enjeux migratoires

Alors que les murs se dressent et que les frontières se ferment, la culture s’impose plus que jamais comme un espace d’ouverture et de dialogue. En marge de la 26ᵉ édition du Festival Gnaoua et Musiques du Monde, le Forum des droits humains a renouvelé son rôle d’agora intellectuelle engagée, en consacrant ses travaux à un thème brûlant d’actualité : « Mobilités humaines et dynamiques culturelles ».
Dès l’ouverture de la 12ᵉ édition de ce forum, la productrice du Festival, Neila Tazi, a lancé un appel fort : replacer la culture au centre du débat sur les migrations. Selon elle, les mouvements humains ne sont pas de simples flux économiques ou enjeux sécuritaires, mais bien des vecteurs puissants de création culturelle. « En migrant, les individus transportent avec eux leurs langues, leurs traditions, leurs croyances et leurs pratiques artistiques », a-t-elle rappelé.
Une fois confrontées à d’autres réalités, ces expressions donnent naissance à de nouvelles formes culturelles hybrides, qui s’enrichissent mutuellement et voyagent au-delà des frontières, notamment grâce à l’accélération des échanges permise par les technologies de communication.
Face aux replis identitaires qui gagnent du terrain à l’échelle mondiale, Mme Tazi alerte sur l’appauvrissement du discours autour des mobilités humaines, désormais trop souvent réduit à des considérations sécuritaires. Pour elle, il devient urgent de revaloriser la contribution culturelle des diasporas, en redonnant à la culture la place qu’elle mérite dans les débats de société.
Le forum, organisé en partenariat avec le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), s’est imposé au fil des ans comme une composante essentielle de l’ADN du Festival Gnaoua. Il rassemble chaque année une diversité d’intervenants – intellectuels, artistes, chercheurs, militants – venus questionner les mutations contemporaines et leurs répercussions sociales et culturelles.
Lors de son intervention, Driss El Yazami, président du CCME, a rappelé que les dynamiques migratoires s’inscrivent dans un contexte global marqué par les déséquilibres du développement, les conflits géopolitiques et la recherche d’une vie meilleure. Il a souligné que près d’un milliard de personnes à travers le monde sont aujourd’hui en situation de mobilité, avec une majorité résidant en Europe et en Asie.
Il a également insisté sur la diversification croissante des profils migratoires, allant bien au-delà de la figure traditionnelle du travailleur migrant. Circulation des compétences, mobilité étudiante, migration de mineurs non accompagnés : autant de réalités qui défient les politiques d’accueil encore pensées selon des modèles dépassés. Pour El Yazami, cette complexité n’est pas un obstacle, mais une richesse qui exige une gouvernance renouvelée.
En filigrane, c’est une autre lecture de la migration qui s’est imposée tout au long de ce forum : celle d’un moteur de transformation des sociétés, d’un facteur de métissage culturel et d’un levier pour repenser l’identité, la citoyenneté et le vivre-ensemble.
Cette réflexion s’inscrit dans l’esprit même du Festival Gnaoua, qui célèbre depuis ses débuts la diversité musicale et le dialogue interculturel. Portée par le Haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, cette 26ᵉ édition réunit, du 19 au 21 juin, des artistes venus des quatre coins du monde pour un voyage sonore et spirituel où les frontières s’effacent au profit de l’harmonie.
Abdelkader El Fatouaki