(Billet 1176) - Le cas du PAM

(Billet 1176) - Le cas du PAM

S’il existe au Maroc un parti qui interroge, c’est bien le PAM… Son nom est un hymne à l’oxymore politique car cette formation a réussi à établir le difficile lien entre Authenticité et Modernité, sauf que son application concrète tarde à prendre forme. Parce que le problème de ce parti est qu’il est né sur la base de la négation d’un autre pour son positionnement et non de la promotion de lui-même pour et par ses idées. Il est aujourd’hui au gouvernement et il continue à poser problème.

Et son problème commence par sa tête, sa direction. C’est le capharnaüm ! Imaginez… une bonne demi-douzaine de secrétaires généraux se sont succédés depuis sa création en 2008, dont l’un a été démis à l’insu de son plein gré (Hakim Benchamass), puis un autre qui a conduit le parti au gouvernement avant que ledit parti, curieusement, mystérieusement, paradoxalement, ne s’en débarrasse, tout en le maintenant au gouvernement (Abdellatif Ouahbi) ; et aujourd’hui, les « militants » se sont pâmés face à une direction tricéphale élue (si on veut) en février 2024, devenue bicéphale en raison de frictions connues des seuls initiés, pour enfin redevenir tricéphale. Qui sont les trois ? Fatima Zohra Mansouri, Mehdi Bensaïd et Fatima Saadi, l’ordre important peu, le désordre étant un choix, une technique.

Les deux premiers sont des « historiques » du parti, si on considère qu’on puisse accoler ce terme à une jeune formation qui n’a pas encore d’histoire, juste un présent un peu brouillon et un futur plutôt incertain. Les deux premiers donc, jeunes (au Maroc, la jeunesse court jusqu’à 50 ans et plus), ont servi sous les couleurs du PAM depuis sa création, Mme Mansouri ayant été maire de Marrakech de 2009 à 2015, avant de quitter la fonction et d’y revenir en 2021, avec le ministère de l’Habitat, et M. Bensaïd ayant été député et président de la prestigieuse commission des Affaires étrangères de 2011 à 2016, avant d’être réélu député en 2021 et nommé ministre de la Culture, de la Jeunesse et de la Communication. La troisième, Mme Saadi, a certes œuvré comme maire d’al Hoceima et députée, mais sa nomination – qu’elle nous en excuse – doit beaucoup à son genre et à son origine géographique.

Aujourd’hui, avant d’aller à la bataille électorale, les escarmouches ont déjà commencé en interne, au sein même du triumvirat. Fatima Zahra Mansouri déclare ouvertement son ambition de devenir cheffe du gouvernement à la place du chef du gouvernement et elle semble bénéficier de faveurs occultes pour cela, ce qui conduit l’aussi madré que prudent Mehdi Bensaïd à abonder dans le même sens à chaque fois qu’on lui pose la question. Mme Saadi, quant à elle, n’a pas d’ambitions à ce niveau, alors elle observe et opine.

Et la base, dans tout cela ? Et bien la base du PAM, on l’entendra entonner chants et slogans au prochain congrès. Voilà pour la base du PAM, revenons au sommet. Dans le cas où le parti se hisserait en pole position au soir des prochaines élections en 2026, le roi Mohammed VI, tenu de désigner à la tête du gouvernement quelqu’un(e) issu du parti classé premier aux élections, a inscrit dans la coutume politique de choisir le chef de ce part ; en cas de victoire du PAM en 2026, le souverain aura le choix entre trois chefs. Si on masque Mme Saadi, il en restera deux. Voyons leurs atouts. Que cela soit au gouvernement, au parti, au parlement ou dans les territoires, force est de relever que Mehdi Bensaïd est bien plus haut que sa challengeuse (le terme existe) en matière de réalisations. Les faits, toujours aussi têtus, causent d’eux-mêmes.

M. Bensaïd est partout, dans les médias et sur le terrain, il multiplie les initiatives, ose, propose, dispose ; Mme Mansouri, elle, semble être en pause. On la voit rarement, à Marrakech où elle est maire, et à Rabat où elle partage son temps entre le ministère et le parti. Répondant rarement aux sollicitations des journalistes, Mme Mansouri est une dame prudente, ne se confiant que rarement et ne s’exposant jamais. Si, pour Mehdi Bensaïd, on sait ce qu’il veut et ce qu’il fait, pour Mme Mansouri, on en est réduit à lire dans les entrailles.

Et qu’en est-il de cette communauté charismatique, ce groupe de dirigeants du parti qui, dans tout parti digne de ce nom, encadrent le chef, portent sa parole, relaient sa pensée, prolongent son action ? Et bien, là aussi, l’opacité est maîtresse des lieux. Mais disons qu’au sein du parti Authenticité et Modernité, les dirigeants sont vaguement authentiques dans leur appartenance mais résolument modernes dans leurs actions et leurs propos. Cela ne suffit pas à établir une doctrine, une philosophie, un programme.

Et en dehors de la modernité proclamée, le PAM se fait bien plus connaître par ses scandales et les esclandres de ses caciques que par une volonté réelle de changer les choses. De procès retentissants en suspension/réhabilitation de certains de ses cadres, de directions brinquebalantes en élections mouvementées, de révolution de palais en intrigues de cour… Oh, il y a bien le projet « Génération 2030 », mais il vient s’entasser sur les autres programmes 2030 qui évoquent ceux de 2020, de 2010, de 2000… ainsi va le PAM, un PAM en avant, deux en arrière, puis trois en avant.

Le PAM a donc quelques mois pour faire émerger une figure qui porterait ses couleurs, emporterait l’adhésion de tous et remporterait les élections. Et pour être honnête, il aurait quelque chance de succès avec Me Ouahbi qui a fait ses preuves ou M. Bensaïd qui a fait ses armes. Les deux sont connus du grand public et ont réussi à dépasser cette terrible chose qui tue un politicien, l’indifférence. Réussiront-ils à diriger le « gouvernement du Mondial » (et surtout, plus difficile, de la « mondialisation » ) ? Réponse dans un peu plus d’un an.

Aziz Boucetta



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