(Billet 1221) – Ne pas céder aux mauvaises sirènes !

(Billet 1221) – Ne pas céder aux mauvaises sirènes !

Ces derniers temps, il faut reconnaître que l’ambiance au Maroc est un peu anxiogène. Les jeunes sont en colère et les pas jeunes n’aiment pas le savoir et le voir ; or, les GenZ ne baissent pas la garde et jamais, depuis plusieurs années que la chose a commencé, nous n’avons entendu autant de mauvaises nouvelles sur nous-mêmes, véhiculées par et depuis l’étranger, mais aussi par nous-mêmes. A longueur de vidéos ou de conférences numériques, on se déchaîne, on lapide, on lacère, on maugrée et on dénigre. Oui, tout cela comporte nombre de vérités, personne ne dit le contraire, mais pour autant, ce n’est pas l’enfer, loin de là. « Quand je me regarde, je me désole; quand je me compare, je me console », dit-on…

En effet, sur les dernières années puis aussi les derniers mois, des dizaines d’articles de presse présentent le Maroc comme ce pays qui bâtit un soft power lentement mais sûrement, un pays avec lequel il faut désormais compter… un pays certes difficilement pré-émergent en économie mais largement émergé en diplomatie et en géopolitique. Florilège des titres et des articles publiés sur le royaume.

« Investissement de 300 millions d’euros au Maroc dans l’aéronautique », « le Maroc finaliste de la Coupe du monde U20 », « le Maroc dans le club fermé des assembleurs de moteurs d’avions », « les Marocains largement en tête à l’école Polytechnique en France », « Xi Jinping fait une escale au Maroc et rencontre le prince héritier Hassan », « le Maroc supplante l’Europe en général et la France en particulier en Afrique », « le Maroc a permis de déjouer un grand nombre d’attentats terroristes en Europe », « la sélection nationale marocaine remporte le record du nombre de victoires d’affilée », « le Maroc maintient un excédent commercial avec la France depuis 2017 », « le Maroc est un allié absolument stratégique de l’Europe », « le Maroc réussit l’équilibre entre les BRICS et l’Occident »… Les Marocains sont partout, bien installés, dans le monde, en Amérique du Nord avec leurs médecins et ingénieurs, en Europe à l’université et dans les cercles politiques décideurs, en Afrique dans l’entreprise et la sécurité… Les noms de Marocains qui font autorité en sciences, Rachid Guerraoui, Rachid Yazami, Moncef Slaoui…

Oui, nous pouvons le dire et nous en enorgueillir, le Maroc bâtit son soft power, à bas bruit, et avec le temps, nous avons appris à construite cette fierté d’être Marocains, avec un retour sur notre très longue et prestigieuse histoire, de la bataille des Trois rois à celle d’Anoual, en passant même par Isly et la conférence d’Algesiras. Il n’y a pas toujours eu que du bon, mais il y a toujours eu quelque chose.

Et nous avons Mohammed VI. Oui, il faut aussi le dire et aussi s’en enorgueillir. Surfant entre la recherche de la modernité et l’ancrage traditionnel, maintenant un équilibre entre les nécessités d’avancer vite et les habituelles pesanteurs d’un système millénaire, et cherchant l’équilibre entre une jeunesse remuante et exigeante et ses aînés plus conservateurs, il fait le job. Si la génération Z demande plus et mieux, à raison, la génération X peut quant à elle témoigner de la mutation du pays. Le roi fait donc le job, sereinement. Et nous avons aussi nos fers de lance à l’international en la personne de Nasser Bourita ou encore de Fouzi Lekjaâ, certes peu loquaces et arrogants en interne en interne mais ô combien efficaces et fringants à l’international. Et nous avons notre système de sécurité, violemment attaqué de toutes parts, qui encaisse mais tient bon.

Et en interne aussi, les bonnes nouvelles pleuvent, dans pratiquement tous les domaines. Quand on dit qu’on a un CHU par région, que le dessalement a sérieusement commencé, que l’inflation Covid est maîtrisée, qu’une jeunesse conteste et proteste et ne veut rien lâcher, que des success stories, il y en a de plus en plus, que les écoles pionnières, si on laisse faire, sont peut-être LA solution à l’éducation… quand on dit tout cela, on peut admettre qu’il n’y a pas que du mauvais dans le royaume. Loin de là.

Bref, en un mot ou en cent, et même mille, le Maroc va bien, avance bien, se porte bien. C’est tout ? Non.

Les problèmes, il y en a et il y en a même beaucoup. L’éducation est loin d’être au niveau requis, la santé publique agonise et le secteur médical privé triomphe et accumule les gains sans améliorer ses prestations (administratives et financières), le pays avance à deux vitesses avec le Maroc utile utilisé à bon escient et le Maroc inutile devenu aphone à force de crier, les disparités territoriales sont alarmantes et la classe politique est atone et déphasée par rapport aux populations. La corruption bat son plein, soutenue par un gouvernement largement indifférent voire complaisant, l’agriculture est desséchée et la PME étranglée, le népotisme, la démocratie imparfaite, les inégalités de genre, les rentes aussi diverses que nombreuses, etc etc… Tout cela est vrai, mais tout cela est gérable, remédiable, repérable et réparable, dans le cadre d’une société apaisée (même irritable), d’une population soudée (même soupçonneuse et méfiante), d’une politique hardie et audacieuse qui sait s’imposer, d’un pays stable ! Ah, la stabilité…

Pour qui doute de l’importance de la stabilité, qu’il regarde la France par exemple, avec ses investisseurs qui doutent et s’en vont et une population qui boude et consomme moins, qu’il observe les pays de notre continent qui peinent à trouver un système politique viable, qu’il scrute comment fonctionnent les pays arabes détruits ou divisés, … La stabilité est notre grand atout, et c’est précisément cette stabilité qui est titillée, sabordée, ciblée par tant et tant de personnes. La stabilité politique et la paix sociale sont les piliers de l’édifice Maroc ; il reste la maçonnerie et les finitions, et le Maroc s’y attelle ; cela prend du temps, cela requiert beaucoup d’argent, et cela exige une volonté de fer et de faire.

Alors, face aux acquis et aux progrès, les problèmes sont-ils insurmontables ? Oui, s’il n’y a pas la volonté de surmonter. Existe-t-elle, cette volonté ? Oui. Pourquoi alors les choses sont-elles si lentes ? Parce que le Maroc est un vieux pays, avec de vieilles traditions et de vieux réflexes, et comme toute vieille chose, il bouge et évolue lentement. Sinon, on casse tout et on recommence, pour aller plus vite ? Parce que forcer une vieille chose à aller plus vite qu’elle ne le peut, c’est prendre le risque de la détruire.

Alors ne cédons pas aux mauvaises sirènes, si actives et volubiles en ce moment. Lugubres… Ciblons ce qui ne va pas, repérons les responsables, critiquons leur politique, exerçons une pression et maintenons-la, améliorons ce qui marche et renonçons à nos travers. Cela prendra du temps, certainement, mais moins, beaucoup moins qu’un retour en arrière ou qu’un copier-coller de systèmes qui ne sont pas les nôtres.

Aziz Boucetta



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