(Billet 1179) – L'opposition évolue dans la nostalgie d'une grandeur révolue

(Billet 1179) – L'opposition évolue dans la nostalgie d'une grandeur révolue

Les partis de l’opposition aujourd’hui, les plus significatifs du moins, sont également ceux auxquels on n’a pas proposé d’entrer à la majorité en septembre 2021, avec cependant le PPS comme exception pour confirmer la règle. Ils sont très nombreux, sept ou huit, et on aurait pu penser, dans un excès d’optimisme, qu’ils allaient constituer deux blocs dans l’opposition, le groupe de gauche d’une part et d’autre part, … les autres. Et tous donnent de la voix… dans une cacophonie silencieuse. Pour faire court, dans l’opposition politique marocaine, plus on est de fous, moins on crie.

En octobre 2021, les choses étaient réglées, parfaitement réglées, RNI,PAM et PI dans la majorité et à la tête des douze régions et des grandes villes, et le reste, dispersé, disparate, menacé de disparition. La majorité est robuste, représentant les deux tiers de la Chambre des représentants, faisant face à une brochette de partis d’opposition en plein désarroi. Après quatre années dans cette situation et à un an des élections, dans quel état se trouvent-ils ? Tour d’horizon.

Le PPS. A tout seigneur, tout honneur, le PPS est vraiment le seul parti de cette opposition à tenir son rang, prendre position, dénoncer haut et fort les errements de la majorité, avec des arguments forts et structurés et des questions qui ne trouvent jamais de réponse. Son secrétaire général Nabil Benabdallah est dans tous les médias, sur tous les plateaux, débattant ici, ferraillant là, expliquant ses positions et exposant ses propositions, prenant des risques et parfois aussi des coups. Servi par son éloquence et son expérience, il est en revanche desservi par la nanisme congénital de son parti qui ne réussit toujours pas à disposer d’un grand groupe parlementaire. Connaissant la valeur de ses cadres, on peut légitimement se demander pourquoi…

L’USFP. Elle fut un grand parti, elle est aujourd’hui une illustre relique. Après une ascension dans les cœurs et les esprits des années 60 (quand elle était nationale) jusqu’en 1998 (devenue entretemps socialiste), l’USFP a entamé son reflux, sa décrue depuis exactement le 4 février de cette année, quand Abderrahmane el Youssoufi a accepté de diriger le gouvernement. Le prestige de la formation a décliné parallèlement à celui du nombre de ses députés, de son influence et de la qualité de ses premiers secrétaires. Aujourd’hui, Driss Lachgar est à sa tête, depuis 2012 ; il devrait être maintenu au prochain congrès, à la rentrée, puisqu’il s’est dit partant. L’idée de gauche progressiste s’est mutée en idéal d’immortalité clanique.

Le PSU. Petit parti par ses effectifs, ses moyens, ses élus, mais grand par la qualité de ses membres et de ses dirigeants passés. Pour le futur, on n’en sait rien, sa bougie de symbole n’éclairant pas très loin devant. Ses idées sont radicales et son discours frontal, mais le parti se trouve toujours sur la ligne de crête entre ses ambitions et la constitution.

Et puis, il y a les autres formations, certaines confidentielles, d’autres anecdotiques.

Le MP. Au commencement, il était prestigieux, il est aujourd’hui fastidieux. Fondé par les monuments Abdelkrim el Khatib et Mahjoubi Aherdane, il a été dirigé des décennies par ce dernier, qui fut finalement déboulonné par l’alors jeune Mohand Laenser, qui a conduit le MP les décennies suivantes. Aujourd’hui, c’est Mohamed Ouzine, bien plus orateur médiatique qu’opérateur politique. Mais au moins, avec lui, les choses sont claires. Il veut retourner au gouvernement en 2026 et son programme s’adaptera à cette espérance.

L’UC. Le parti a été créé dans les années 80 du siècle dernier ; pas de projet connu, pas d’ambitions affichées, pas de programme à défendre. Né au 20ème siècle, il devait y rester, mais il survit encore par la grâce de l’absence d’idéologie clairement identifiée, ce qui lui a permis d’inventer la posture du caméléon doctrinaire.

Le MDS. Quand on tape MDS sur Google, on obtient d’abord le Marathon des Sables… puis on apprend que ce parti appartient au « centre attrape-tout ». Bon courage.

Le FFD. Il a existé le temps de l’existence de son fondateur Thami el Khyari. Depuis, on le cherche et il se cherche.

Et enfin, inclassable et déclassé, le PJD. Ce parti oscille entre deux figures principales, Abdelilah Benkirane et Saadeddine Elotmani, qui se relaient au secrétariat général et même au gouvernement. Mais après 20 ans de ce régime, les populations se sont lassées et des figures apparaissent timidement, comme Driss el Azami el Idriss et Abdallah Bouanou dans le rôle des dauphins putatifs. Aujourd’hui, Ssi Benkirane entreprend de faire campagne à Taza en s’appuyant sur les malheurs de Gaza. Il met les bouchées doubles et adopte des propos de corps de garde. Cela marchera certainement pour les militants, mais le jour venu, beaucoup manqueront à l’appel du clairon pour se transformer en électeurs et former un groupe parlementaire. Dans l’attente, les deux dauphins susmentionnés donnent de la voix et cherchent leurs voies, avec un net avantage pour le premier.

 

Et ainsi donc va l’opposition dans ce pays, entre grands partis aux petits effectifs, grandes idées mais petite audience, partis jadis gonflés mais qui aujourd’hui connaissent le sort des baudruches, et le reste à l’avenant. Mais, à leur décharge, il faut préciser que dans un système politique, une opposition vit de ses dirigeants et de ses cadres, mais aussi de ses rapports avec la majorité qui s’en nourrit. Quand celle-ci est hégémonique et inaccessible, ce qui est le cas, l’opposition périclite, ce qui est le cas aussi. Mais il reste environ douze mois pour que l’opposition, surtout celle de gauche, la plus sérieuse, la plus crédible, entreprenne une action de rapprochement et œuvre à bâtir son union. Pour cela, les zéros et les egos doivent disparaître.

Un jour, peut-être, la classe politique au sens large comprendra que ce pays ne peut ni ne pourra réellement se développer sans classe politique à la hauteur des défis, sans majorité qui accepte la confrontation et sans opposition qui alimente, avec intelligence et efficacité cette confrontation. Surtout dans un pays qui se dit démocratique et qui l’affirme dans tous les aréopages locaux ou étrangers.

Les ambitions sont là, les programmes sont là, les « visions 2030 » multisectorielles sont là, les politiques publiques sont là. Il ne reste plus que de vrais personnels politiques et une vrai volonté politique.

Aziz Boucetta



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